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Analyse de Abdelhak Riki. La gauche marocaine, en déclin, courtisée par le PJD et le PAM. (première partie)

Publié le 24 septembre 2016 à 11:26 Analyse de Abdelhak Riki.  La gauche marocaine, en déclin, courtisée par le PJD et le PAM. (première partie)

Le Maroc se prépare aux élections parlementaires, décisives, du 07 octobre 2016. L’enjeu est de taille : soit l’avènement d’une alternance vivement souhaitée par le PAM (Parti proche du pouvoir), soit la continuité du gouvernement présidé par les islamistes du PJD. La bataille est rude entre ces deux principaux partis.

Et la gauche diriez-vous ? Malheureusement, elle a fait long feu depuis longtemps, cette gauche qui faisait le pluie et le beau temps. Aujourd’hui, c’est uniquement son aura d’antan et sa « légitimité » historique qui sont courtisés par le PJD et le PAM.

On se rappelle que dès la nomination de son leader au poste de chef de gouvernement en 2011, le PJD avait fait le vœu de voir les partis de gauche, PPS et surtout l’USFP, faire partie de la coalition gouvernementale. Les socialistes avaient brutalement décliné l’offre alors que les ex communistes, pragmatiques, avaient accepté de rejoindre la majorité gouvernementale.

Dès lors, le parti socialiste, minoritaire au sein de l’opposition parlementaire, fragilisé par des luttes internes et une incapacité de redéfinir un projet viable, s’est trouvé de fait acculer à s’allier au parti du pouvoir, le PAM.

La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir, des deux stratégies, laquelle est la plus profitable : celle du PPS et de son arrimage aux islamistes du PJD ou celle de l’USFP et de son alliance avec le nouveau parti PAM.

Nous allons mener une analyse, non pas basée sur des considérations idéologiques, mais plutôt sur les quelques indicateurs chiffrés officiels disponibles, en regrettant vivement l’inexistence d’instituts de sondage et d’enquêtes d’opinion.

Mais d’abord, y a-t-il eu réellement un déclin de la gauche, surtout de l’USFP, parti qui a été aux commandes de la première alternance politique en 1999 après avoir été le parti du changement depuis 1975, date de sa fondation par feu Abderrahim Bouabid.

À cette importante question, on va se baser sur l’évolution concomitante en nombre de sièges parlementaires et de voix électorales, des deux partis PJD et USFP depuis 1997 à nos jours.

Le graphique n°1 montre de manière claire et nette le déclin continu des socialistes de l’USFP depuis 1997 ainsi que la montée fulgurante du parti islamiste PJD.

Globalement, on peut indiquer que l’USFP est passée de 57 sièges parlementaires en 1997 (son meilleur score de tous les temps) à 39 en 2011. Le PJD est passé quant à lui de neuf parlementaires en 1997 (sa première participation) à 107 sièges parlementaires en 2011 (résultat historique dans les annales électorales marocaines pour un parti politique puisque seuls, les Sans Appartenance Politique (SAP), appelés à l’époque les Indépendants avaient obtenu 141 sièges en 1977 et qui allaient de facto constituer le RNI, autre Parti proche du pouvoir).

Deuxième observation, le déclin de l’USFP commence en 2002 (et non pas avec le printemps arabe en 2011), avec la perte de cinq sièges parlementaires par rapport à 1997 (de 57 à 50 sièges).

En 2007, avec 38 députés, la chute fut brutale, car les citoyens avaient mal digéré la participation de l’USFP dans le gouvernement Driss Jettou alors que le pouvoir s’était détourné du respect de la «méthodologie démocratique » et qu’Abderrahman El Youssoufi avait décidé de se retirer de la vie politique comme forme de protestation contre le pouvoir et son propre parti, l’USFP.

Aujourd’hui le groupe parlementaire de l’USFP est formé de 39 députés dans la moitié conteste le leadership de Driss Lachgar.  L’enjeu lors des prochaines élections du 07 octobre 2016 est de taille pour l’USFP. Va-t-il arrêter l’hémorragie ou son déclin deviendra-t-il historique et définitif ?

Quant au PJD, la figure n°1 montre une ligne ascendante continue depuis 1997 (et non pas 2011), puisque de neuf sièges parlementaires en 1997, le parti islamiste a raflé 42 sièges en 2002, pour passer à 46 en 2007 et dépasser l’USFP, et atteindre, enfin, un record historique en 2011 avec 107 sièges au parlement. L’enjeu est aussi de taille pour ce parti : va-t-il garder sa prééminence et le poste de chef de gouvernement ou sera-t-il acculé à la deuxième place et à l’opposition ?

L’observateur averti notera que cette montée du parti islamiste PJD s’est accompagnée d’un effondrement du camp de Gauche qui a perdu toutes tendances confondues (USFP, PPS, FFD, PSD, OADP), des dizaines de sièges entre 1997 et 2011, dont 18 pour l’USFP. Ainsi que des milliers de voix.
 

Le graphique n°2 est édifiant sur cette question, puisque la perte de voix pour l’un et le gain pour l’autre est plus prononcée qu’en nombre de sièges. En effet, le tableau montre comment, en seulement huit ans, le PJD inverse la tendance en 2007 pour l’accentuer en 2015.

Ainsi, l’USFP qui a atteint son meilleur score en 1997 avec 900 000 voix, a vu sa base électorale s’éroder au fil des années pour se situer lors des dernières élections locales aux alentours de 600 000 voix.

Quant au parti islamiste du PJD, son audience n’a cessé de progresser pour atteindre en 2011, un million de voix et dépasser lors des dernières élections locales de 2015, la barre historique, pour un parti politique marocain, de 1 700 000 voix. Certaines sources parlent même du cap de 2 000 000 de bulletins de vote en faveur de ce parti.

Aujourd’hui, le gap, entre le PJD et l’USFP, est colossal et dépasse le un million de voix. À ce stade il serait judicieux de se demander premièrement si les voix de l’USFP en particulier et de la gauche en général se sont transférées au PJD ou sont-elles venues renforcer le camp des abstentionnistes et de ceux qui boycottent les élections. À ce niveau et faute d’études sociologiques et d’instituts de sondage, il est difficile d’identifier le profil type du votant marocain et de ses intentions de vote.

En deuxième lieu ce déclin de l’USFP est-il particulier à ce parti et à sa stratégie de s’opposer au gouvernement islamiste en s’alliant avec le parti PAM ? Et qu’en est-il de l’autre parti de gauche, le PPS, qui a choisi une autre stratégie au lendemain du printemps arabe, celle du pragmatisme, en s’alliant aux islamistes du PJD, grands gagnants du scrutin de 2011, et en refondant le parti à partir d’une participation gouvernementale active et lucide ?

Enfin, pourquoi le PAM s’accroche-t-il bec et ongles à l’USFP, un parti en déclin ? Idem pour le PJD qui a bâti sa stratégie d’alliance sur un noyau formé par le duo PJD-PPS ?

Questions importantes et pertinentes qui feront l’objet d’une analyse détaillée et chiffrée dans un prochain article.

 
Par Abdelhak Riki, Pour Rifonline.net

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