Opinion. Il était une langue…[ Anass ASSANOUSSI]
Publié le 29 septembre 2017 à 23:18![Opinion. Il était une langue…[ Anass ASSANOUSSI]](https://www.rifonline.net/wp-content/uploads/2021/06/rifonline_default_thumb.png)
Le Rif a au cours de son histoire connu de nombreuses menaces qui ont assailli son identité et sa culture.
Cependant, si il y a bien un domaine dans lequel ce danger est palpable, surtout aujourd’hui, c’est au niveau de la langue rifaine.
En effet, depuis l’arrivée des Arabes en Afrique du Nord, quantité de mots furent empruntés aux Arabes, notamment ceux du vocabulaire religieux: sidarbi, incha allah, bismillah… mais également des mots empruntés à l’espagnol et au français.
Dans la vie de tous les jours, lorsque nous croyons parler le tarifit, la langue rifaine, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir le sentiment de parler une langue bâtarde, à savoir frelatée, dans la mesure où des mots existants en rifain pour désigner telle ou telle chose, pour exprimer tel ou tel sentiment, pour conceptualiser telle ou telle idée, ont été complètement oubliées, ou sont si peu utilisées qu’ils sont en voie de disparition. Les mots étrangers, venant de l’espagnol, l’arabe ou le français les ont remplacées.
Ceci n’est pas sans conséquence sur la vie et le destin du peuple rifain. Car en effet, si non seulement le Rif continue d’être sous le joug du Makhzen, de voir des noms de villes ou localités arabisées, si par-dessus le marché des pans entiers de la langue rifaine, de son vocabulaire s’estompent, voire disparaissent, alors qu’adiendra t-il de la langue rifaine. Les Rifains pourront-ils continuer à se considérer comme Rifains, si même leur langue ne peut plus être appelée rifaine?
Prenons le vocabulaire des fruits de mer. Pour désigner le poisson, l’on dit asram au singulier, et isarmane au pluriel. Mais pour désigner les variétés de poisson, adieu les mots en tamazight et place à l’espagnol: khorores, sarmonete, basaro, gambas, sardines, linguado, ou alors en arabe comme hout moussa.
Pour le mobilier ou les vêtements, l’alimentation, nous utilisons aussi des mots empruntés à la langue espagnole: mesa, 9ama, traje, aribika, 9amisita, bo9adillo…
Le français aussi n’est pas en reste: lagrima, kamem,toumoubine,aradio,tilivisioun…
Bref, la liste est bien longue.
Au commencement était le verbe.
Toutes les langues ont empruntés des mots aux autres langues à travers l’histoire. Aucune langue ne peut se targuer d’être intégralement pure, de revendiquer le monopole du génie créatif, et les peuples ont naturellement échangé au travers des guerres, des échanges commerciaux et culturels. L’échange avec l’Autre est bien sûr une richesse, mais ceci ne doit pas se faire au mépris de son idendité propre, au détriment de sa propre langue.
La langue est le reflet de la mentalité d’un peuple, de son esprit, la manifestation la plus éclatante de son génie, de sa créativité, de son inventivité, de sa capactié à nommer les choses, à les conceptualiser. Une langue peut se nourrir de l’apport d’autres langues, mais elle doit également se renouveler et ne pas rester figée. Si un peuple laisse mourir sa langue, alors il dépérit.
La lueur d’espoir peut venir des nouvelles générations, dont le militantisme se montre de plus en plus au grand jour, dans un contexte politique, social et culturel, de plus en plus tendu, mûe par une volonté de renouer avec la langue de leurs ancêtres.
En espérant que cet espoir se concrétise, malgré les douloureuses embûches…
Aya thmazight ino, khsagh achm syadhar zi thaspanyout, tafransist, tha3raft
Mara chanijan ikhsam rhach tha3afant, khamrar cham di tha9raft
Ikhsa iwdhan wa tatoun awar nsan
Ikhsa iwdhan ad siwran iras nsan
Atharas bra awar nass imouth
Atharas bra irass nass akhmi a9ath di thayouth
Awar negh isbah ikhsa withra yisnan
Bach ataf ihanjan ad 9asan i thirelli di Arrif nsan
Anass ASSANOUSSI
Pour partager cet article