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Opinion. Maroc-France : Le Couple Parfait (1/2), par Dr Mohamed Chtatou

Publié le 9 juillet 2017 à 12:18 Opinion. Maroc-France : Le Couple Parfait (1/2), par Dr Mohamed Chtatou

Par Mohamed Chtaou*
 

Le Maroc et la France c’est des siècles de contacts, d’échanges, de complicité mais aussi de frictions, de coups de gueule et de mésentente. Le Maroc et la France, dans leur long parcours sinueux, se sont fait la guerre avec passion, mais ils ont aussi fait des guerres ensembles en toute camaraderie, pour défendre les causes de la liberté et des centaines de Marocains sont morts pour que la France vive libre, digne et démocratique, hier, et des milliers œuvrent quotidiennement aujourd’hui, avec amour et abnégation pour le bonheur de leur patrie la France qu’ils portent en eux amoureusement et intégralement.

Amitié séculaire

A travers la longue histoire des relations maroco-française des hommes comme le consul Chénier(1) ont laissé une empreinte indéniable dans l’imaginaire populaire. Dans un essai intitulé : Rabat, rue des Consuls, Jean-Claude Bonnet(2) découvre la pérennité de cet homme :
 
« La première visite proposée au coopérant français, à son arrivée à Rabat, est généralement pour la rue des consuls située dans la plus ancienne partie de la ville et donnant sur la kasbah des Oudaïas qui surplombe l’embouchure du Bou Regreg en face de Salé. Après quelques pas dans ce qui fut une ancienne enclave consulaire et demeura jusqu’en 1912 le lieu de résidence obligé des représentants des puissances étrangères, le visiteur ne peut que sursauter à l’annonce immanquable et intempestive de tel ou tel jeune cicerone improvisé : « M’sieur, M’sieur, ça c’est la maison de M’sieur Chénier ». Il découvre alors une ruelle en pente, lai et bleutée, qu’une plaque désigne comme l’« impasse du consulat de France » et qui vient buter, au-delà de deux arcs andalous, sur la porte noire d’une maison où résida effectivement Louis Chénier, le père du poète, de 1768 à 1782. Cet hommage lointain à un fils fameux qui n’a pas eu de tombe, ne devrait pas surprendre le voyageur occidental habitué depuis longtemps à ce qu’on lui fasse voir les demeures auxquelles est attaché le souvenir des grands hommes et plus particulièrement celui des écrivains. »
 
Il est quelque peu choqué par l’influence culturelle qu’un tel homme politique(3) à laissé, pour la prospérité, sur le Marocain moyen : une marque d’amour et de confiance qui verge presque sur une forme d’adoration aveugle :
« Mais la stupéfaction du promeneur de Rabat tient à la force de conviction avec laquelle le jeune guide marocain évoque la « maison de M’sieur Chénier » comme si celui-ci n’était parti que d’hier ou même comme s’il était encore là et allait surgir inopinément. Cette assertion est, en effet, d’autant plus stridente et péremptoire qu’elle est dénuée de toute notion historique des choses. Elle est de l’ordre de ce présent perpétuel qui confère aux toiles d’Hubert Robert une profonde poésie de l’immémoré et aux petits personnages qui les animent une familiarité inconsciente avec les ruines : le pâtre ignore, à l’évidence, qu’il mène boire son troupeau dans des auges romaines et la lavandière ne sait rien de l’inscription au revers de la dalle sur laquelle elle bat son linge. »
 
Depuis l’indépendance du Maroc et la fin du protectorat français en 1956, le peuple marocain n’a pas eu de rancœur ni de haine à l’encontre de l’hexagone, au contraire il a beaucoup d’estime pour ce pays. Bon gré, mal gré on entend toujours le Marocain moyen se lamenter : « Ah au temps de la France il y avait l’égalité, l’équité et la justice… » il faut pas voir dans ses lamentations des critiques acerbes du système politique actuel mais plutôt un brin de nostalgie et d’affection pour le bon vieux temps des Français au Maroc.
 
Depuis la fin du Protectorat, le Maroc et la France forment un couple et comme tous les couples ils ont eu depuis des hauts et des bas, des passes d’humeurs, des brimades, des conflits, des moments difficiles mais aussi beaucoup de bonheur, de joie, d’amitié, d’amour, de respect et de coopération. Les Marocains ne considèrent pas les Français comme des étrangers mais plutôt comme des membres de la famille: ahl dar. C’est indéniablement un grand signe d’estime et d’amour.
 
J’ai toujours étais témoin de la conversation  suivante, quelque peu banale :

Marocain : Vous êtes d’où ?
Français : De la France
Marocain : Ah, vous vous n’êtes pas étranger vous faites partie de la maison et  du décor haha…
Français : Ah c’est vrai. Je suis honoré et au faite je me sens chez moi, à vrai dire.
 

Maroc, pays francophone par excellence
Au Maroc la langue française est plus qu’une langue de communication et d’échange, c’est un mode de vie et de pensée, un outil de travail qui fait partie de l’identité composite d’un Maroc multiculturel(4).
En effet la constitution de 2011, dans le préambule atteste le pluralisme culturel marocain en des termes très clairs dans laquelle l’identité méditerranéenne est mentionnée sans ambages(5) :
 
« État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. »
Dans les années 1970, un ministre de l’Education du Parti de l’Istiqlal (conservateur et nationaliste), au temps du feu Hassan II, a procédé, dans l’esprit du panarabisme à la mode, dans le temps, à l’arabisation de l’enseignement. Cet arabisation  à outrance a formé des Marocains monolingues, qui au vu de leur idiome, se sont tous orienté vers l’Orient arabe pour l’identité culturelle et dont beaucoup se sont convertis à l’islamisme pur et dur qui les a mené en Afghanistan, Irak et Syrie.
 
Pour Hassan II, un amoureux de la langue et de la culture française, un individu qui parle une seule langue est un individu qui est illettré. Pour lui le pluralisme linguistique est signe d’ouverture sur le monde et d’acceptation de l’autre dans sa différence. En réalité Hassan II était un globaliste avant la globalisation. Certes, il était un homme attaché à l’Islam et à la culture arabe mais il était aussi ouvert sur les autres cultures et un grand amoureux de la culture française.
 
40 ans plus tard, les décideurs politiques du Maroc ont reconnu que l’arabisation à outrance de l’enseignement des années 70 du siècle dernier à conduit à sa faillite et à la montée de l’extrémisme religieux (6) et ont entamé ainsi la francisation progressive du système éducatif.
 
A ce sujet Omar Brouksy (Contributeur, Le Monde Afrique, Rabat) écrit que le royaume a décidé, sans publicité aucune, de « franciser » notamment l’enseignement des mathématiques, des sciences naturelles et des sciences physiques (7) :

« Le 1er décembre 2015, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, apprend que le ministre de l’éducation nationale, Rachid Belmokhtar, un proche du palais, avait présenté au cabinet royal un important programme visant à « franciser » l’enseignement des mathématiques, des sciences naturelles et des sciences physiques. Ce projet, qui prévoit aussi l’enseignement du français dès la première année du primaire au lieu de la troisième actuellement, a été préparé en catimini et présenté par le ministre au roi sans que Benkirane en soit informé. »

 

Lycée Lyautey à Casablanca

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La langue française a une grande place dans le Maroc multiculturel ouvert sur le monde. Dans l’enseignement privé, on retrouve le Français en grande place dans les cursus scolaires mais il y aussi l’Arabe et l’Anglais.
Toutefois, bien que l’Anglais est en train de prendre beaucoup de place dans le Maroc du troisième millénaire, n’empêche que le Français reste une grande langue de référence. En effet, le Français a pris une grande place dans le langage quotidien. Dans leurs échanges quotidiens, les Marocains ont tendance à utiliser allègrement un mélange d’Arabe et de Français (8) qu’on appelle communément : 3aransiya  العرنسية ,un peut comme le Franglais :

  1. Bonjour ! ça va achnou katdir aujourd’hui « bonjour ! ça va. Qu’est ce que tu fais aujourd’hui
  2. Ana mkonekté f l’internet m3a s7abi kanchatiw «  je suis connecté sur internet avec mes amis, on chatte »
  3. Krazatu tomobile ou dawh f lambulans lsbitar « il s’est fais écrasé par une automobile et on l’a emmené en ambulance à l’hôpital »
Ce qui rend fou le plus, les défenseurs de la langue arabe et les Islamistes pour qui cette langue et l’idiome du paradis est le fait que les agences de communication utilisent la 3aransiya العرنسية dans leurs publicités et il y a toujours un débat, linguistiquement violent, sur ce sujet dans la presse et à la télévision et la radio.
Pour la majorité des Marocains, le Français fait partie de chacun d’eux, la preuve en est que le nombre d’emprunts français dans la darija est très élevé et cela n’est pas le fait d’un colonialisme linguistique mais plutôt l’expression de l’ouverture sur les autres cultures.
 
La complicité maroco-française est irréprochable
Entre Rabat et Paris il y a un axe, une entente sur tous les sujets, une coopération économique exemplaire et une alliance militaire sans équivoque. La preuve en est que la première visite de travail du Président Macron, fraichement élu président, était indéniablement  pour le Maroc pour faire connaissance et ouvrir un nouveau chapitre de cette alliance agissante.

La coopération économique entre les deux pays est au beau fixe, des centaines de sociétés françaises opèrent au Maroc profitablement pour les deux pays : Renault, Peugeot, Alstom, Avera etc. Ces sociétés créent de la richesse et beaucoup d’emplois mais aussi et surtout un transfert d’expertise, de connaissances et de technologie. En 2018, le Maroc mettra sur rail le premier TGV africain de Tanger à Marrakech conçu entièrement par la France.
Si la France s’affaire à mettre en service le TGV marocain, le Maroc emmène avec lui la France en locomotive dans son Safari économique Africain sous la forme des sociétés françaises implantées au Maroc pour entreprendre une coopération sud-sud qui profite à tout le monde.

Sur le plan militaire et logistique, le Maroc a accompagné la France au Mali par un hôpital militaire, pour administrer des soins gratuitement aux civils de ce pays déstabilisé par une insurrection islamiste au nord Touareg.
Le Maroc est présent aussi en mode « casques bleus » en Centre Afrique et en Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, il est en train d’aider la France à mettre le pays en marche sur le plan économique et sécuritaire. D’ailleurs le Roi Mohammed VI a fait plusieurs déplacements vers ce pays ces cinq dernières années pour mettre en chantier des projets économiques bénéfiques pour la Côte d’Ivoire et la France n’est jamais loin dans les réalisations marocaines.
Le couple Maroco-Français manie à merveille sentiments, amitié, respect, intérêts et politique. Au sujet du Sahara marocain, la France a montré son vrai amour et sa vraie passion pour le Maroc, depuis belle lurette, en soutenant, sans équivoque, le projet d’autonomie au risque d’aliéner l’Algérie.

*Dr Mohamed Chtatou : Professeur Universitaire
International education consultant & political analyst for the MENA region

Notes :

 

(1) Chénier, L. 1787. Recherches historiques sur les Maures et Histoire de l’Empire de Maroc. Paris.  
(2) Bonnet, J-C. 2002. Rabat, rue des consuls in François Moureau, Madeleine Bertaud, Catriona Seth (dir.), L’éveil des Muses. Rennes : Presses Universitaires de Rennes
(3) Brahimi, D. 1982. « Louis de Chénier, homme des Lumières », Cahiers Roucher-André Chénier, n° 2, 1982 

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