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Opinion. Rêve général ( par Abdelhak Riki)

Publié le 9 mai 2016 à 20:04 Opinion. Rêve général ( par Abdelhak Riki)

La jeunesse arabe, en ce début de siècle, aspire à la réalisation d’un vœu séculaire des parents de l’indépendance, à savoir l’émancipation de la nation de la tutelle tentaculaire de certains pays occidentaux soucieux de maintenir le statut quo issu des accords de Sykes-Picot en 1916 et la déclaration Balfour de 1917. Ce statut permet le maintien de l’impunité de l’État d’Israël et son oppression du peuple palestinien, le flux à bon prix du gaz et du pétrole, l’injection de millions de pétrodollars sur les marchés financiers européens et américains, sans oublier l’ouverture de juteux marchés en faveur des multinationales pour leur survie et perpétuation.

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  L’analyse du monde Arabe nous permet de dégager cinq principales forces ayant un impact plus ou moins grand sur les événements en cours et à venir. En premier lieu, le fait que l’armée, puissante et organisée, est la force la plus influente. En deuxième lieu, la forte présence des mouvements islamistes, structurés et largement plébiscités dans les urnes. En troisième lieu, la faiblesse et parfois l’absence de partis libéraux et modernistes. Quatre, la timide présence d’une élite capable d’ouvrir des canaux de dialogue avec les diverses forces en présence. Et finalement, la faible pénétration de la science, la culture, l’éducation et la démocratie au sein des différentes strates sociales.

De même, on peut facilement déceler l’existence de deux forces antagoniques s’affrontent au sein du monde arabe, parfois de manière violente, dans de rares cas à travers les urnes… la première, c’est celle du sous-développement létal actuel bénéficiant à une minorité et aux intérêts de certains pays occidentaux. L’autre, portée par la jeunesse rebelle, c’est celle du développement et de la modernité, permettant le contrôle des ressources et leurs utilisations en priorité au profit des populations et des défavorisés dans un but noble : la « formation » d’un nouveau citoyen libre, mangeant à sa faim, ayant accès aux soins de santé, à l’éducation, la science et la culture.

Le mouvement de la jeunesse arabe est conscient que la réalisation de ce « rêve général » passe par l’édification d’un État, civil et démocratique, faisant l’unanimité des différents acteurs, avec représentation parlementaire libre et universelle et acceptation du principe fondamental d’alternance politique.

Malheureusement, ce projet à un prix et parfois ce prix est coûteux en vies humaines et matériels, car les pouvoirs despotiques en place et leurs « maîtres » en Occident n’ont aucun intérêt au changement sociétal et institutionnel.

Ce qui s’est passé en Égypte (coup d’État militaire) et dans d’autres pays arabes (« complot » contre l’unité nationale, guerres civiles, implantation de Daech) imposent de tirer quelques leçons qui peuvent nous aider à surmonter les conflits en cours par les armes du dialogue au lieu du dialogue des armes.

L’armée continuera d’être une force majeure et active au sein de la société tant qu’elle restera cantonnée dans les casernes et loin des conflits politiques. En revanche, dès qu’elle s’en approchera, elle risque de perdre son unité, sa cohésion et sa loyauté à l’État, la nation et le peuple.

Le mouvement islamiste, fort de sa popularité et ses structures organisationnelles, doit comprendre que sa pérennité dépend de sa capacité à nouer des alliances avec d’autres forces, se positionnant parfois à l’opposé de son projet.

La gauche est appelée, quant à elle, à être plus pragmatique et déterminer ses positions et résoudre ces contradictions non pas, uniquement, dans la sphère idéologique mais surtout au niveau de la praxis unitaire, pour un État civil et une société de liberté, justice et dignité ; avec toutes les forces vives et démocratiques du pays, entre autres, les islamistes modérés et légalistes.

L’amère réalité est que le monde Arabe, empêtrée dans une crise historique, se trouve à la croisée des chemins. Pour en sortir, il peut faire le choix d’une « Koutla » historique entre les islamistes légalistes, les forces de gauche ainsi que les libéraux et modernistes sur la base d’un programme d’indépendance et d’unité nationales et une volonté de négociations avec l’Occident, dans un esprit « gagnant, gagnant ».

Autrement, l’autre issue ne peut être que celle du long et obscur tunnel sans fin, ponctué de déchirures, de conflits, de guerres civiles, de pouvoirs tyranniques et oppresseurs qui feraient le lit, à court terme, d’une minorité de privilégiés occidentaux et leurs clientèles locales, mais à moyen et long terme, s’avérerait néfaste car porteuse de calamités, désespoir, crimes, immigration et terrorisme.

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