Opinion. Solidarité avec le Rif, à quand le point d’inflexion ?
Publié le 13 septembre 2017 à 20:03
Loin des manifestations dans les rues et des LIVE sur Facebook, Rifonline.net lance un espace de débat apaisé, de réflexion, d’échange et de proposions à toutes les potentialités rifaines pour accompagner le Hirak du Rif et mener à bien ses revendications, tout en respectant les institutions du pays.
Dans cet article cosigné Mohamed El Morabit, Mohamed Aadel et Fouad Benyekhlef, tous militants de la cause rifaine en Belgique, les auteurs nous proposent une opinion sur la position diasporique par rapport au Hirak.
Bonne lecture :
La manifestation de ce dimanche à Bruxelles vient parachever le cycle des manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs villes de Belgique au sein des populations d’origine rifaine, la presse et les journaux télévisés ont pu en parler çà et là. Tout le monde aura compris que ces actions ont mis en évidence certains modes de communication : des manifestations, comme on vient de le citer mais également des sit in ou encore la publication de textes et communiqués revendicatifs. Quoi qu’il en soit, une communication multidirectionnelle s’est toujours maintenue, même lorsqu’elle a semblé absente, en réalité elle s’exprimait par négation. En d’autres termes, même en ne voulant pas communiquer, on a communiqué quelque chose.
Lors des premières manifestations, on a ainsi assisté à une sorte de confrontation de symboles : certaines manifestations brandissaient fièrement et exclusivement le drapeau Amazigh et celui de la République du Rif, une autre – davantage prévue pour défendre les couleurs du Maroc mais présentée comme favorable aux revendications populaires du Rif – préférait afficher uniquement le drapeau marocain avec comme slogan « un seul drapeau ». Jusqu’à récemment, avec les marches de Barcelone et Paris programmées à des dates importantes du calendrier marocain ou enfin cette « rétrocession » d’un vélo à la France.
Bref, toute une série de symboles mobilisés qui en disaient long sur cette volonté d’interpeller qu’importe la manière. Cette querelle des symboles a entraîné pas mal d’incompréhension et de procès d’intentions : on a prêté à ceux-ci des volontés séparatistes là où il pouvait y avoir un simple symbole de résistance culturelle. Et on a considéré tel autre drapeau brandi comme symbole exclusif de répression alors qu’il pourrait également symboliser une citoyenneté, une appartenance.
Même si cette querelle des symboles semble petit à petit être évacuée pour laisser place à un questionnement de la marocanité, on observe tout de même que la situation actuelle est en stagnation. Cela entraîne plusieurs conséquences : tout d’abord, on a une impression de blocage. Ensuite, on peut légitimement se dire que la société civile belge d’origine marocaine n’a pas joué le rôle qu’elle aurait dû dans cette situation, à savoir un rôle proactif qui aurait permis de faire avancer les choses positivement. Pire, certains n’ont pas été au-delà de ladite querelle des symboles et n’ont pas voulu sortir des intérêts personnels et autres calculs, parfois électoralistes, pour aller vers l’intérêt général.
Par ailleurs, les postures de radicalité se sont exacerbées, bien qu’il s’agisse d’une étape habituelle dans tout début de mouvement et que l’Etat marocain et ses agents y ont une responsabilité centrale. De plus, le repli identitaire semble maintenant accentué. Puis, on a pu remarquer des dérapages qui se traduisaient parfois par des postures violentes ou encore des formes de révisionnisme historique.
Il semble donc plus que nécessaire, et cela dans la suite logique du processus qui a eu lieu jusqu’à présent, qu’un point d’inflexion s’opère pour arriver à un changement de phase. C’est à dire : la situation a été ce qu’elle a été, les postures qui en sont sorties, avec leurs excès ou non, sont un fait. Il convient maintenant, pour rester fidèle aux revendications populaires du départ, de les faire évoluer vers une phase supérieure. Cela passe d’abord par un retour aux principes de départ du mouvement populaire et de rester fidèle à ceux-ci malgré le fait que la situation a fortement évoluée depuis. Autrement dit, revenir sur des valeurs car celles-ci jouent le rôle de convergence et elles offrent la possibilité de transcender les particularismes sans les nier et rassembler au-delà des différents clivages. Il ne faut donc pas trahir les principes auxquels les citoyens ont adhéré – par confiance – à savoir un élan citoyen qui dépasse les jeux politiques et partisans pour réclamer l’essentiel à savoir les droits et libertés individuelles des citoyens dans un État de droit en devenir.
Ce retour à l’universel – dans le respect du spécifique – devrait naturellement impliquer une convergence des causes qui dépasserait les milieux rifains pour atteindre l’intelligentsia sensible au Hirak qu’importe ses origines et ainsi élargir l’horizon des revendications et des bonnes volontés.
Enfin, et surtout, il serait utile et salutaire d’opter pour un affinement de la communication. Les modes de communication utilisés jusqu’à présent, bien que légitimes dans un premier temps, doivent évoluer et muter vers d’autres modes en se traduisant notamment par des discussions – sans mépris ni discrimination – plus larges et plus constructives avec tous les protagonistes. La situation est complexe, il devient indispensable de penser à de nouvelles pistes de solution afin d’infléchir le cours des événements, au-delà des simples slogans.
Mohamed El Morabit, Militant de la cause rifaine en Belgique
Mohamed Aadel, Militant de la cause rifaine en Belgique
Fouad Benyekhlef, Militant de la cause rifaine en Belgique
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