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OPINION. Une approche réussie de la gestion de la religion au Maroc : L’Imam Academy ( Dr Mohamed Chtaou)

Publié le 16 octobre 2017 à 21:32 OPINION. Une approche réussie de la gestion de la religion au Maroc : L’Imam Academy ( Dr Mohamed Chtaou)

Mohammed VI est un monarque taciturne, en comparaison à son père, feu Hassan II, éloquent orateur, passionné de parler en public et de donner des interviews à la presse étrangère. Le fils, contrairement au père, croit plus aux actes qu’aux paroles et, depuis son accession au trône, il n’a accordé que très peu d’interviews aux médias, nationaux ou étrangers.
 
La monarchie marocaine est l’une des plus anciennes du monde, elle remonte à la dynastie Idrisside (788-974) et elle s’est toujours efforcée de trouver un équilibre entre les différents courants religieux, les multiples tendances sociales et les intérêts économiques divers et d’atteindre un consensus national pour la stabilité du royaume. La tâche a toujours été difficile et ardue, sinon impossible, mais ce système politique a connu un franc succès à travers le temps pour maintenir le pays dans un havre de paix (exception marocaine).

L’influence religieuse du monarque
 

Le monarque au Maroc est le chef de l’État, mais, il est, surtout,  «le Commandeur des Croyants», amir al-mu’minin, un titre religieux qui lui confère un statut quasi-sacro-saint. Les gens ordinaires critiquent souvent ses actes politiques, ses décisions mondaines dans la gestion des affaires du pays, mais, à peine, son influence spirituelle ou ses actions religieuses. Fait intéressant, son statut religieux est même accepté dans de nombreux pays d’Afrique, qui reconnaissent son titre religieux de «Commandeur des Croyants», surtout parmi les communautés des Tidjanes, ce qui fait de lui un sorte de Calife africain.

 
Au XIXe siècle, le Maroc était divisé en deux territoires politiques diamétralement opposés : Blad al-Makhzen, terre sous le contrôle total du gouvernement central et Blad as-Siba, terre de dissidence, comprenant, en général, les montagnes habitées par les Amazighes/Berbères, qui reconnaissaient l’autorité religieuse du sultan mais pas son statut temporel puisqu’ils refusaient, souvent, de lui payer les impôts dus.

 
Mais malgré cette rébellion silencieuse et sourde des Amazighes/Berbères contre le sultan et son pouvoir politique, son pouvoir religieux demeura intact parmi eux. Les habitants des montagnes faisaient les prières du vendredi et le sermon khoutba qui s’en suit en son nom, ainsi que toutes les autres prières, en particulier, les prières rogatoires pour la pluie suivies d’une procession, appelée taghounja.

 
En raison de l’importance du domaine religieux pour la monarchie, le Ministère des Waqfs et des Affaires religieuses était et est, toujours, situé dans le mechouar (enceinte du palais), afin que le monarque puisse s’y rendre chaque fois qu’il le juge nécessaire, pour superviser personnellement la gestion des affaires religieuses du pays.

 
Pendant le règne du feu Hassan II (1961-1999), un monarque très conservateur, il en a fait une règle d’or pour toujours débuter et conclure ses nombreux discours, à la nation, avec versets du Coran et les intercaler avec des énonciations des hadiths du Prophète Mohammed. Cela donnait à ses paroles une sorte de sacralité et à son message la plus haute importance, même si la plupart des citoyens ne comprenaient pas ces discours parce qu’ils étaient livrés, généralement, en arabe classique et non en darija, l’idiome arabe local.
 

La frustration des Islamistes du Maroc

Après la révolution iranienne en 1979, et la montée de l’Islam politique dans le monde musulman. Les Islamistes ont prit facilement le contrôle des affaires religieuses dans la plupart des pays musulmans parce que les dirigeants politiques locaux avaient, soit des inclinations séculières ou ne considéraient pas la religion comme une question importante de la vie quotidienne de leurs citoyens. Les Islamistes ont également investi beaucoup d’efforts, d’argent et de dévouement dans les affaires sociales, un bon exemple de cela en est les Ikhwan en Égypte, qui aident, généreusement, les pauvres dans les domaines de l’éducation, et de la santé et leurs frais de subsistance quotidienne.
 
Toutefois, au Maroc, les Islamistes ont été frustré par le rôle prédominant de la monarchie conservatrice dans les affaires religieuses, incarné par l’acte annuel d’allégeance, présenté par les fonctionnaires au «Commandeur des Croyants» le jour de l’anniversaire de son accession au trône.  Conséquemment, les Islamistes  se sont livrés à des actes de violence dans les attentats de Casablanca du 3 mai 2003, menant à la mort de 47 personnes innocentes. Cet événement dramatique a servi de réveil à Mohammed VI pour revoir sa gestion du champ religieux au Maroc, de fond en comble.
 
Gestion proactive du champ religieux
 
Dans le prolongement de cet événement dramatique, Mohammed VI a lancé le 18 mai 2005 l’Initiative nationale pour le Développement humain (INDH), un projet national de solidarité visant à autonomiser les indigents et à atténuer la pauvreté et la précarité, surtout dans le monde rural.
 
Cette initiative, fort intéressante, a été, un peu plus tard suivi, par un programme rigoureux de formation des Imams (prédicateurs religieux) dans la doctrine conservatrice et modérée Malekite et son école de pensée et ainsi pour, la première fois, dans le monde musulman, des religieuses ont été incluses, comme clergé, et ont été formées, pour initier des femmes à lIslam modéré. Elles sont  appelées mourchidates et ont obtenu un succès incroyable dans le domaine du coaching des femmes marocaines dans les affaires religieuses, dans la mesure où de nombreux pays ont copié cette expérience pour empêcher la gente féminine de devenir violente et de servir de véhicule pour la pensée violente ainsi que les bombes à retardement des extrémistes.
 
Cependant, l’accomplissement le plus important dans la gestion progressive des problèmes de foi du monarque marocain est l’ouverture, le 27 mars 2015, de l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams, Morchidines et Morchidates, qui, devrait jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le radicalisme religieux et la violence liée à l’interprétation extrémiste de la foi islamique au Maroc et dans le monde.

L’Imam Academy, le sobriquet donné à cet institut par la presse anglo-saxonne, est, probablement, la première réaction organisée d’un pays musulman quelconque pour faire face au tsunami fondamentaliste massif dans le domaine de la prédication religieuse et l’éducation spirituelle y afférente. Jusqu’à présent, l’Islam radical avait très bien pris en main l’éducation religieuse ou, plutôt,  l’endoctrinement religieux, par le biais du lavage de cerveau des jeunes, pour les pousser à haïr ceux qui se mettent au travers de leur philosophie et leurs enseignements localement, et aussi à l’échelle internationale, surtout, l’Occident, pour sa laïcité envahissante et sa démocratie alléchante.

Cet institut s’attèle à former étudiants marocains ainsi que le clergé des pays amis tels que : le Nigeria, le Tchad, la Guinée, la Côte d’Ivoire, la France, la Belgique, la Tunisie et la Russie.

L’Institut en question propose un programme d’études sur des sujets religieux tels que : l’interprétation coranique, l’exégèse, les déclarations du Prophète Hadith et ses actes Sounnah en plus de la loi islamique chari’a, etc. En outre, il offre également une éducation en sciences humaines, principalement; l’histoire, la géographie, et des matières telles que la philosophie, la psychologie et la sociologie qui sont habituellement méprisés par les Islamistes parce qu’ils enseignent la pensée analytique, critique et libre.

La durée de la formation est une année universitaire complète pour les étudiants marocains et deux ans pour les autres, mais, par contre, les Français devront passer trois ans après quoi ils obtiendront un diplôme pour devenir des Imams officiels dans leur propre pays, totalement aptes, en principe, à faire face au radicalisme religieux déferlant.

Le Maroc ouvre la voie à la fraternité des hommes

Mohammed VI, a non seulement réussi à garder le Maroc à l’abri du tsunami islamiste et du malheureux « Printemps arabe » et ses conséquences désastreuses et néfastes, mais a également lancé, avec succès, une stratégie payante, pour lutter contre l’endoctrinement religieux radical, qui, pour le moment, est disponible au Maroc, seulement, mais peut être facilement copiée dans d’autres pays du monde musulman et non-musulman.

Donc, non seulement le Maroc a survécu, miraculeusement, à l’Islamisme, mais il a ouvert, également, la voie à un Islam plus modéré (wasatiyya), en acceptant d’autres croyances et cultures et en étant respectueux de leurs différences.
Il faut, toutefois, dire, avec force, qu’il était temps que les modérés musulmans montrent et montent une résistance payante à l’extrémisme religieux d’une manière ordonnée et cohérente.

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