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Spécial. Najoua, une jeune fille de 23 ans morte à cause d’une « négligence médicale ». Témoignage terrifiant de sa mère

Publié le 29 octobre 2017 à 12:24 Spécial. Najoua, une jeune fille de 23 ans morte à cause d’une « négligence médicale ». Témoignage terrifiant de sa mère

Najoua Bouazail, une jeune fille de Taza est décédée ce mois d’octobre à l’âge de 23 ans. D’après le témoignage de sa mère, la défunte, aînée d’une fratrie de trois, et « aimée et élevée seule par une force de la nature », serait morte en raison d’une mauvaise gestion de son cas.

Mina Zoubaa, maman inconsolable de Najoua, nous raconte son triste témoignage pour, selon elle, « éveiller les consciences et alerter l’opinion publique et pour que cela ne se reproduise plus ».

« Il est temps que la population marocaine cesse d’accepter chaque décès comme une fatalité et que le gouvernement augmente les moyens de santé. On ne meurt pas à l’âge de 23 ans dans un pays développé  » . S’insurge-t-elle dans un témoignage adressé à la rédaction de Rifonline.

Le témoignage :

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À 23 ans, partie trop tôt, combien de temps encore allons-nous nous soumettre à cette fatalité?
 
Toute une famille la pleure aujourd’hui. Après les larmes, on murmure sans cesse les « al hamdoulilah » comme si l’on tentait de se convaincre. Mais vient alors la phase du « comment cela a-t-il pu arriver? » Comment peut-on s’expliquer les nombreuses négligences? Comment éveiller l’opinion publique pour que cela n’arrive plus jamais à personne?
 
 
Voici un déroulé précis des faits:
 
 
– Le 8 août, notre Najoua est diagnostiquée et se voit prescrire du Dimazole pour son hyperthyroïdie.
 
 
À la requête du médecin de l’Hôpital Ibn Baja de Taza, elle effectue des hémogrammes à intervalle régulier afin de vérifier notamment son taux de globule blancs.
 
 
Après plus d’un mois, elle ne se sent pas mieux.
 
 
– Le 22 septembre, elle attrape une angine. On effectue un autre test sanguin qui souligne la chute de son taux de globules blancs. Le médecin des urgences de l’Hôpital Ibn Baja de Taza nous suggère d’attendre que le week-end passe, sans jamais nous renseigner sur la gravité de la situation. On ne nous préconise d’ailleurs pas l’arrêt du médicament.
 
 
– Le 26 septembre, nous nous précipitons au CHU Hassan II de Fès, ce n’est qu’à ce moment-là qu’on nous suggère l’arrêt total du Dimazole. Le médecin urgentiste du CHU s’est voulu rassurant en précisant que ses paramètres vitaux étaient stables alors que dès le lendemain, Najoua passait en sepsis sévère, une situation qui, sans équivoque, nécessite alors une chambre en réanimation.
 
 
– Le 27 septembre, le diagnostic est établi: il s’agit d’une agranulocytose sévère. À cet effet, il est bien précisé que Najoua doit être transféré dans un service d’hémato- médecine interne en isolement. Il n’en sera pourtant rien! Pire elle est placée en post-urgences, sans aucunes mesures adéquates.
 
 
– Le 29 septembre, on nous remet un bon de transfert vers l’hôpital d’Ibn El Khatib, mais ils n’ont apparemment pas de chambre disponible, c’est donc retour au calvaire au CHU Hassan II.
 
 
– Le 1er octobre, soit plus de 5 jours après son entrée à l’hôpital, le médecin suggère enfin la réanimation. Najoua ne mettra jamais les pieds en salle de réanimation, ou plutôt si, pour 30 minutes. Elle décédera malheureusement dans la soirée d’un choc septique sous notre regard impuissant. Un choc septique est une situation clinique grave mais dont la prise en charge en réanimation dans les pays Occidentaux se solde dans la majorité des cas par une guérison, notamment à 23 ans.
 
 
Je viens de vous décrire les derniers jours de ma fille.
 
 
Laissez-moi maintenant vous donner un aperçu des conditions atroces dans lesquelles vivent les familles des malades hospitalisés au CHU Hassan II de Fès.
 
 
La famille joue, malgré elle, le rôle à la fois de pharmacienne ou encore d’infirmière; j’ai dû régulièrement prendre la température de ma fille, avec 42 degrés apparus sur le thermomètre. Parfois, c’est le rôle de brancardier que je dois endosser afin d’être sûre que notre bien aimée soit présente pour le scanner et pour les radiographies. À nos heures perdues, nous sommes sprinteurs afin de courir après les médecins dépassés.
 
 
Aucune infrastructure d’hébergement n’est proposée pour nous qui venons de loin. Je ne suis pas surprise, après tout, ils n’ont même pas le nécessaire pour les patients. Je dors dehors avec ma sœur qui est venue me soutenir dans cette épreuve. Nous nous entassons avec d’autres familles, et nos effets personnels sont parfois même volés.
 
 
Ma famille me suggère de prendre un hôtel tout proche de l’hôpital afin de m’y reposer, mais comment leur expliquer que j’ai peur que les responsables de la sécurité de l’hôpital, censés nous protéger, s’introduisent dans la chambre de ma fille. Le visage balafré et effrayant, ils lui ont à plusieurs reprises demandé de les suivre une fois la nuit tombée.
 
 
Une succession de négligences qui ne peuvent être gardées sous silence. Mon cœur est trop lourd et je souhaite partager mon désespoir.
 
 
À ma question « quoi faire? », je réponds écrire, crier cette douleur qu’une mère ne devrait jamais ressentir. J’écris ces quelques lignes afin d’alerter l’opinion publique et sa majesté le roi du Maroc pour que cela ne se reproduise plus. Encore combien de temps cela peut-il être passé sous silence? On ne meurt pas d’une agranulocytose à 23 ans lorsque celle-ci est prise en charge!
 
Pour que ces hôpitaux réalisent qu’il est inadmissible de traiter un être humain de la sorte. Pour que les familles comprennent qu’il est grand temps de dire STOP et de dénoncer ces agissements
 
 
Ce message ne nous la fera pas revenir, bien entendu. La dernière étape du deuil, nous dit-on, est l’acceptation de la situation, mais c’est au-dessus de mes forces. Je refuse d’accepter que cela puisse se reproduire.

Mina Zoubaa, la mère de Najoua Bouazail  

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