Triste anniversaire [Contribution de Anass ASSANOUSSI]
Publié le 25 octobre 2017 à 0:19![Triste anniversaire [Contribution de Anass ASSANOUSSI]](https://www.rifonline.net/wp-content/uploads/2021/06/rifonline_default_thumb.png)
Il y a presque un an jour pour jour, le 28 octobre 2016 dans la ville d’Al Hoceïma dans le Rif, région du nord du Maroc, Mohcine Fikri, 31 ans, vendeur grossiste de poissons mourut broyé dans une benne à ordures, tentant avec l’énergie du désespoir de sauver sa cargaison de poissons, qu’un fonctionnaire de police voulait injustement lui confisquer.
Cet évènement tragique est hélas révélateur, de la hogra, l’injustice, l’arbitraire qu’à l’habitude de faire subir le Makhzen l’état marocain envers sa population, en particulier envers le Rif et ses habitants, région à la réputation frondeuse et qui eut souvent maille à partir, au travers de sanglants épisodes avec les autorités marocaines. Malgré des discours officiels qui ne trompent plus grand monde sur le changement au Maroc, après un an d’existence du Hirak en arabe, Anhazi en tamazight, termes signifiant la mouvance, le régime marocain a eu l’occasion de montrer le visage qu’il n’a jamais cessé d’avoir, révélant ainsi sa vraie nature: un régime arbitraire et répressif, faisant fi des droits humains les plus fondamentaux.
La Guerre du Rif (1921-1926) menée par le chef Rifain Abdelkrim el Khattabi, fondateur de la République du Rif, libérant son pays des Espagnols, tenant de secouer également la tutelle de la France, vit le sultan de l’époque Youssef (1912-1927) prendre le parti du colonialisme français pour sauver son trône. C’est de là que le divorce date entre le Makhzen, et le Rif.
La répression sanglante de 1958-59, ainsi que de 1984, où l’on vit s’illustrer en personne Hassan II, montre que le Makhzen n’a jamais considéré le Rif et les Rifains comme une région, des citoyens à part entière, mais comme des citoyens entièrement à part, qu’il fallait mâter à tout prix, les pousser à l’exil. Résultat: le Rif est la région du Maroc la plus densément peuplée mais aussi avec le plus fort taux d’émigration vers l’Europe. L’on peut dire que la diaspora marocaine en Europe est constituée pour une large part de gens venant du Rif.
L’hostilité affichée, le racisme envers cette région amazighe, et ses habitants est hélas partagée par une partie de la population marocaine, abreuvée dès le plus jeune âge de propagande officielle, nourrie de haine, d’hostilité envers les Rifains. Même s’il faut rappeler qu’une certaine solidarité s’est manifestée envers le Hirak dans des villes comme Casablanca ou Marrakech.
Même si le Maroc a signé nombre de conventions relatives aux droits humains, il ne les a pas ratifiées, et surtout ne compte pas les appliquer de sitôt. Ainsi, à partir du mois de février 2017, le pouvoir marocain décontenancée face à des citoyens armés de leur foi en la justice, le désir de liberté, de dignité, des citoyens donc résolument pacifiques, voyant que l’accusation de provoquer la fitna, la discorde, prenant en exemple ce qui s’est passée en Libye et en Syrie à partir de 2011, ainsi que l’accusation inique d’être financés soit par l’argent de la drogue, de l’Algérie ou du Polisario, ce pouvoir décida de recourir à son arme favorite: la répression, les arrestations arbitraires, la torture, les aveux signés sous la contrainte, des procés qui ne sont que des parodies de justice, des journalistes étrangers expulsés…Tous ces évènements montrent de façon éclatante qu’au Maroc la séparation des pouvoirs n’est absolument pas de mise, que ni la presse, ni la justice ne sont réellement libres et indépendantes.
Ainsi, le leader de la contestation rifaine, Nasser Zefzafi est détenu depuis le 29 mai 2017 à la prison d’Oukacha à Casablanca. Son procès, ainsi que celui des autres leaders, véritable patate chaude, devenue bombe à retardement pour ce pouvoir marocain ne sachant décidément pas comment se tirer de ce mauvais pas médiatique, est sans cesse ajournée. Il doit normalement se tenir mardi 24 octobre…avant un nouveau ajournement… Ces détenus ont décidé de recourir à la grève de la faim pour faire respecter leurs droits qu’on leur refuse jusqu’en prison bien entendu. Le Makhzen ne saurait faire les choses à moitié.
La chanteuse et comédienne Silya Ziani, véritable égérie, figure de proue féminine du mouvement, elle aussi arrêté et libérée après plusieurs semaines de détention a pu même venir en tant qu’invitée à la fête de l’Humanité en septembre dernier à La Courneuve. Mais son calvaire n’est pas terminée, puisqu’elle connaît toujours autant de difficultés, ne serait-ce que pour exercer son art.
https://www.rifonline.net/Silya-Ziani-en-colere–Interdite-de-jouer-au-theatre-interdite-de-retirer-son-argent_a2161.html
Ce qu’il convient également de signaler, c’est le silence complice, criminel des autorités françaises. On a vu Emmanuel Macron président de la République, fraîchement élu, en visite officiel en plein mois de ramadan, répondant seul aux journalistes parès un entretien avec le roi Mohammed VI, se transormant ainsi en pitoyable porte-parole du Makhzen. Il est vrai qu’en France, pays du régicide, mais qui regarde toujours avec une certaine tendresse les monarchie, ce silence se comprend. La France étant le principal allié, et de poids en Europe. Mais les autorités françaises, les médias français dans leurs majorités, si prompt à dénoncer les méchants dictateurs moustachus orientaux en Syrie ou en Libye, en Irak ou en Turquie ne devraient pas s’arrêter en si bon chemin et aller au bout de leur logique, de promotion des droits humains, de la liberté. Si ça s’arrête au Maroc, alors cela s’appelle de la Realpolitik, de l’opportunisme, ni plus ni moins.
Il se trouve également en France, de puissant relais de la propagande marocaine, que ce soit parmi les hommes politiques, les stars du show-bizz, comme le montre admirablement Omar Brousky dans on ouvrage paru réemment: La République de sa Majesté.
En effet, il se trouve étonnement en France, quantité de personnalités pour être séduites par les charmes touristiques du Maroc, montrant ainsi la solidité et la vigueur de leurs convictions humanistes, au premier rang desquelles Jack Lang, parlant même de Mohammed VI, sixième chef d’état le plus fortuné au monde comme d’un monarque éclairé… Voltaire et Frédéric II de Prusse continuent de vouloir faire des émules. À quand la suite de Candide rédigée par Jack Lang? À la prochaine fête de la musique sans doute. Prière de rédiger san nègre s’il vous plaît, et sans votre photo en couverture comme ont coutume de faire les hommes politiques. C’est d’un si mauvais goût.
En tant que citoyen français, d’origine rifaine, membre du comité de soutien pour le mouvement rifain en île de France, nous appelons à la mobilisation en cette journée de commémoration, pour une marche citoyenne, humaniste à Paris, le samedi 28 octobre prochain. Le départ de la manifestation est prévue à la place de la Bastille à 15h30, et doit se terminer à la place de la République.
Pour que vive le Rif dans la dignité et la justice, la liberté et non le préjudice.
Anass ASSANOUSSI
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